Chinese Connection 4

Dimanche 19 septembre 2010 : Le Temple du Ciel, ou comment nous avons survécu à notre première journée lâchés dans la jungle urbaine pékinoise.

Perdus, nous ? Jamais !

Avec mon long voyage sans sommeil, je fus calée sur l’horaire chinois en une seule et unique nuit. Plutôt pratique en fait, les problèmes de décalage horaire n’étant pas très amusants à gérer en voyage… Cependant, si mon organisme s’est bien adapté, ce ne fut pas le cas de mon réveil, resté à l’heure réunionnaise. Au début, je me disais naïvement que ce serait mignon de garder l’heure de ma maison dans la poche, histoire de penser à ce qu’était en train de faire Ludo, tout là bas, de l’autre côté de l’Océan Indien… Et bien ce romantisme de bas étage m’a fait rater le départ pour la Cité Interdite, le réveil sonnant bien à 7 heures du matin, mais en GMT +4 et non en GMT +8… Inutile de partir à 11 heures pour une telle excursion, et, maudissant ma tête de linotte, oubliant mes résolutions à l’eau de rose, je mis aussitôt mon réveil à l’heure chinoise puis réveilla Vivien pour trouver un plan B.

J’étais dégoûtée, d’autant plus que la journée était annoncée belle et ensoleillée. A croire que ce n’était pas le jour où nous devions découvrir la place Tian’anmen et la Cité Interdite. Nous décidâmes de nous rabattre sur la visite d’un parc, ayant besoin de voir un peu de verdure, fatigués des hautes tours et du béton (déjà, et dire que ce n’était que le début du voyage !). Notre choix se porta sur le Temple du Ciel, un peu au hasard : nous avions tellement aucune connaissance de la ville que nous nous laissions guider par notre instinct et les conseils de nos amis pour le choix des visites. J’avais un peu honte de cela, trouvant cette attitude légère pour un voyage dans un pays étranger. Cependant, l’idée de laisser venir les choses sans trop vouloir les diriger était séduisante. C’est souvent de cette manière que les plus belles rencontres se produisent.

Célia nous indiqua la manière de dire au chauffeur de taxi où nous voulions nous rendre, et, armés de nos guides de voyage et de conversation ainsi que de l’adresse en chinois de la maison pour assurer le retour, nous nous mîmes en route. De toutes façons, nous n’avions trop rien à craindre : la veille, nous avions acheté des cartes téléphoniques et Célia nous avait laissé un téléphone portable. Par la magie du GSM, nous étions ainsi reliés à nos amis qui pouvaient à tout moment nous secourir si nous en venions à nous perdre. Nous partions à l’aventure, mais avec ceinture et bretelles, ce qui avait de quoi me rassurer.

Sortis du lotissement, nous saluâmes les gardiens et allâmes nous poster sur le trottoir pour prendre un taxi. Première épreuve. Plusieurs attendaient et nous nous adressâmes au premier. Heureusement que nous allions à un lieu touristique : le chauffeur nous a compris sans trop grand mal et nous partîmes sur la voie rapide qui filait entre les buildings de Beijing. Je ne savais bien entendu strictement rien du chemin à suivre ni ne connaissait la ville. Le stress me tenailla durant les trois quarts d’heures de trajet, durant lesquels je ne cessais de me demander si le chauffeur nous avait bien compris ou non. Vivien me répétait que nous arriverions bien quelque part qui serait intéressant à découvrir. Et en effet, où que nous nous dirigions, c’était vers l’inconnu…

(Bon, en fait, nous allions vers le cercle rouge sur la carte en partant de quelque part dans le coin en haut à droite, mais ça, dans le taxi, je n'en savais rien !)

Le taxi quitta brusquement la grande avenue où nous nous trouvions pour effectuer un tour à 180°. Il s’arrêta sur une place pavée et nous présenta la facture : nous étions à l’entrée du parc du Temple du Ciel. Cela mettait fin à tous mes doutes, et c’est tremblante de stress que je descendis de la voiture. Et tremblante d’hypoglycémie, surtout… Il était en effet 13 heures et nous n’avions jusqu’alors rien mangé. Voulant à tout prix visiter autre chose que du béton, nous décidâmes cependant de faire fi de l’heure tardive pour nous empresser de prendre nos billets et ainsi pouvoir nous engouffrer dans le parc.

Je ressentis un immense soulagement à la vue des arbres, fleurs et bâtiments traditionnels. Des promenades couvertes par des toits de tuiles bleues ou vertes, soutenus de colonnes de bois rouge, aux corniches peintes de motifs ornementaux ou de scènes rappelant des estampes à l’encre, le sol dallé, tout cela me paraissait tout droit sorti d’un de mes clichés sur la Chine !

Nous parcourûmes tous les sites pouvant être visités du lieu. Cet endroit était un site sacré sur lequel, chaque année, l’Empereur venait prier pour les moissons au cours d’un grand rituel. Ainsi, chaque bâtiment avait une fonction, pratique ou rituelle. Les yeux grands ouverts, j’essayais de capter le moindre détail, que ce soit dans les couleurs, les ornements, architecture, mais la grandeur du site me faisait tourner la tête. Je la sentais trop étroite, mon regard trop étriqué, pour pouvoir entièrement contempler le lieu où je me trouvais. Certes, l’hypoglycémie galopante avec les heures qui passaient ne devait pas être étrangère à cet état.

Petite pause Wikipédia :

"Le Temple du Ciel (chinois traditionnel : 天壇; pinyin : Tiān Tán) est situé dans la ville chinoise, un quartier historique du sud de Pékin, dans le district de Xuanwu.

Dans l'ancienne Chine, l'empereur était considéré comme le « fils du Ciel », qui préservait le bon ordre sur terre en faisant le lien avec l'autorité céleste. Afin de montrer son respect au Ciel, les cérémonies de sacrifice étaient très importantes.

Le Temple du Ciel a été inscrit par l'UNESCO à la liste du patrimoine mondial en 1998.

[...]

Initialement appelé Monument du Ciel et de la Terre, il a été construit de 1406 à 1420 pendant le règne de l'Empereur Yongle, qui était aussi responsable de le construction de la Cité Interdite. Le temple fut agrandi et renommé Temple du Ciel pendant le règne de l'Empereur Jiajing au seizième siècle."

Comme je l'ai mentionné plus haut, le site est composé de plusieurs temples, dont l'architecture est loin d'être laissée au hasard. Par exemple, le chiffre 9 y est paraît-il omniprésent, les nombres impairs étant rattachés à la symbolique du ciel et 9 étant le plus élevé d'entre eux. Une autre symbolique très présente réside dans les couleurs et la géométrie : les enceintes carrées couvertes de tuiles vertes symbolisent la terre, tandis que les bâtiments ronds avec des tuiles couleur bleue représentent le ciel. Ainsi, le site a été pensé de manière à symboliser la relation entre le ciel et la terre, à savoir le monde des humains et celui du divin. Et l'Empereur joue dans cette relation un rôle tout particulier.

http://dalbera.perso.sfr.fr/perso_2001/pekin/temple_ciel_web/carte_temple.htm

Pour l'anecdote, ce monument serait jumelé avec le château de Chambord... Enceintes carrées, tours rondes, c'est vrai qu'il pourrait y avoir des ressemblances ;o) !

http://www.ac-grenoble.fr/ecole/rostand.chambery/articles.php?lng=fr&pg=960

Mais revenons à nos moutons...

Salle de la prière pour les bonnes moissons


A l'intérieur, des autels, des sacrifices, le tout richement décoré et coloré.


Une des bas reliefs ornant les escaliers. Tous sur des thèmes différents (tous célestes), celui ci représente deux dragons, tandis que d'autres portent sur des phœnix ou des nuages.



Détail de peinture des boiseries

Brasier dans lequel étaient sacrifiés des bœufs, ou veaux. Je n'ai pas su si les animaux étaient sacrifiés vivants : en effet, le site comporte des " divines cuisines", dans lesquelles les sacrifices rituels étaient "préparés". J'ai supposé que peut être l'Empereur offrait aux cieux des plats déjà cuisinés (bœuf en sauce, poulet aux champignons, etc.)... j'ai trouvé l'idée sympa...

... et les buildings ne sont jamais bien loin !

Le parc est boisé, notamment avec des cyprès centenaires. Ballade agréable au travers des âges, apaisante et pleine de sagesse.

Intérieur de la voûte céleste impériale


Alors là, je recherche une personne lisant le chinois pour me dire ce que c'est, cet OINI (objet immobile non identifié) était au milieu d'une pelouse... et j'ai trouvé le dessin de la souris mignon (^_^;...

Salle de l'abstinence, le palais dans lequel se retirait l'Empereur pour se purifier avant la cérémonie.
Quelques détails de peintures sur boiseries...


Pour seul repas, nous nous contentâmes d’une glace, n’ayant pas le temps de nous arrêter pour manger en raison de la grandeur du site qui demandait des heures de visite. Il faisait beau, chaud, et nous errâmes de longues heures dans le parc où chantaient les grillons. Cà et là, des gens faisaient de la musique, et une allée était même transformée en immense dancefloor, des cours de danse se succédant, chacun avec sa musique et ses rythmes, tantôt rock, tantôt tango, pour ce que j’ai réussi à identifier du moins… Je ressentais une grande allégresse à traverser cette allée en voyant tous ces gens danser spontanément, certains avec une grande application, d’autre avec beaucoup de cœur, dans ce parc en fin de journée, au milieu de cette mégapole polluée.


Le retour chez Célia et Martin fut moins festif. Ou tout autant, cela dépend du point de vue adopté… Ce fut une misère pour trouver un taxi, la faim au ventre et les jambes fatiguées après de longues heures de marche. Celui qui au final nous prit se révéla être un véritable chauffard de taxi, slalomant dangereusement entre les voitures en plein dans le trafic surchargé de la fin de journée dans la capitale. La conduite à la chinoise a de quoi surprendre lorsqu’on vient d’un pays où il existe un code de la route… Bon, blague à part, j’imagine qu’ils doivent en avoir un aussi, mais, dans ce cas, il est bien différent du nôtre ! La technique ne semble pas pour autant mauvaise, car la route s’organise en un immense capharnaüm où chacun prend sa place et où tout le monde avance. J’oserais bien appeler cela un « trafic harmonieux » (l'harmonie étant un concept si cher au gouvernement du pays) ! En effet, si tout le monde roule en zigzagant, paraissant constamment se couper la route, chacun semble faire attention aux autres, et je n’ai jamais vu un seul accident. Inutile de préciser que dans cette organisation, le piéton est le dernier dans la chaîne des priorités, et mieux vaut se garer sur le trottoir lorsque le feu passe au vert !

Et voilà à quoi ressemble une rue chinoise ! Impressionnant, tout ce bitume, n'est ce pas ?

Quand tradition côtoie modernité... !

Dans notre cas présent de chauffard de taxi, cependant, je garde la certitude que c’était un vrai fou du volant ! Par moment, il éclatait de rire, blaguant probablement avec ses amis au téléphone (oui, car ils téléphonent beaucoup au volant, aussi…), et globalement, il m’apparaissait ne pas tenir à la vie au vue de sa conduite des plus… audacieuse… Cela eut l’avantage de ne pas nous faire perdre de temps dans les embouteillages.

A l’arrivée, je m’étalai sur le canapé, me demandant par quel miracle j’étais en vie, essayant vainement de me rappeler le nom du Saint Patron des conducteurs… Il faudra qu’à mon retour j’aille lui faire brûler un cierge ! J’étais fatiguée, affamée, mais ravie de la visite.

Cependant, j’étais horriblement frustrée de ne pouvoir échanger avec les chinois en raison de la barrière de la langue. Je voulais faire des progrès afin de pouvoir un peu communiquer, mais ils ont vraiment une langue délicate à appréhender. Incompréhension, quand tu nous tiens… Oui, c’est horriblement frustrant pour moi de ne pas pouvoir communiquer avec les gens qui m’entourent, que je croise, que je vois, ne pas interagir avec eux, ne pas échanger, ne pas partager. Je suis analphabète, muette, comme autiste, prisonnière d’une bulle de verre. Sourires gênés, regards désolés, et pourtant, je voudrais tellement parler ! L’apprentissage est dur, je n’arrive à rien retenir, ne trouvant aucun repère aucun me raccrocher. Ou peut être est ce l’âge… Pourquoi est ce si compliqué de se comprendre et d’échanger autre chose que de l’argent ? C’était une situation toute nouvelle pour moi qui jamais n’avais voyagé dans de telles conditions.

Heureusement que nous nous retrouvions dans une ambiance francophone le soir venus pour décompresser, sinon l’incompréhension constante aurait eu raison de mes neurones !

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