Chanter puis mourir... ou l'inverse...

Don't worry, be a cat

Me voici enfin en vacances... Je sors la tête de l'eau après des jours et des semaines de concentration sur plusieurs prestations assez prenantes qui m'ont pompées toute mon énergie. J'ai tenu bon et peux désormais me relâcher l'esprit tranquille, le devoir accompli.

"Lyrissimo" tout d'abord, il y a deux semaines de cela... Un spectacle auquel j'ai pris beaucoup de plaisir à participer, avec une ambiance très sympa et un public qui fut apparemment conquis. Bon, ce malgré des conditions un peu rudes, entre les loges improvisées au milieu des frigo et des pack de bières en arrière salle dans lesquelles il faisait une chaleur torride contrastant dangereusement avec la salle sur climatisée, malgré mes rouspétances à répétition auprès du patron... Pas top pour la voix. Du coup, en mauvaises conditions pour sortir mon Liu, Puccini a du se tortiller dans sa tombe, mais bon... c'est quand même passé en mode freestyle...


Elodie entourée de nos messieurs pour Voi Che Sapete des Noces de Figaro de Mozart


Ma Violette, ma libération, pour Addio Del Passato


Johanna et Elodie dans la Barcarolle des Contes d'Hoffmann d'Offenbach

Lakmé et Malika dans le Duo des Fleurs de Delibes


Carmen de Bizet en final : Toréador, en garde !


Le salut, le soulagement

Nos accompagnatrices au piano

Nous avons pu profiter ensuite du repas ! Enfin... ou pas... les spectacles, ça m'a toujours coupé l'appétit... J'ai donc navigué d'une table à l'autre pour discuter avec les amis présents dans le public, recueillir les impressions, et relâcher la pression.

C'aurait pu finir ainsi... Nous aurions pu en rester là... C'est vrai, ça, c'était ainsi que tout avait été prévu : deux spectacles, un pour le mariage de Claudie et Pascal et un dîner spectacle à la Salla, puis passage à autre chose... C'était sans compter une opportunité, doublée d'une idée saugrenue de Nath : nous refaire monter sur scène dans le cadre de l'anniversaire d'un grand bijoutier de l'île, pour lequel elle avait reçu une commande d'une prestation de chant lyrique. Et elle voulait Elodie et moi pour cela.

Avec ma manie de toujours dire "oui", je me suis ainsi retrouvée emportée par le courant, ballotée entre cours et répétitions nécessaires pour préparer cet évènement... et le corps qui commençait doucement à lâcher ! Faut dire qu'il y avait dans ce projet quelque chose d'ultra stressant, le paraître et le jugement (et le cachet !) prenant le pas sur le plaisir. J'étais à bout de souffle, je me sentais complètement dépassée avec la conviction que Nath surestimait mes capacités. Résultat : une semaine à faire grippe et angines psychologiques :S Pourtant nous avions le meilleur pianiste accompagnateur de toute l'île, mais les répétitions ne donnaient rien de bon pour moi, trop épuisée que j'étais.

Une anecdote au passage : lors de nos répétitions au conservatoire, nous pouvions entendre dans les couloirs de l'établissement d'autres chanteurs répéter, les professionnels de l'Opéra Bastille, venus à l'occasion d'une grande soirée lyrique donnée le 10 novembre... Et ça, je peux vous assurer que ça vous mine un moral en moins de deux !! Entendre derrière le mur des élans de virtuosité et devoir après ça sortir timidement une note... un sentiment vain et las s'emparant tout d'un coup du larynx et étouffant toute prétention technique... bon, je crois que je vais me mettre au macramé, c'est sympa, aussi, le macramé...

Le 11-11-11, jour de pleine Lune, la famille Narsy ne pouvait rêver de meilleur symbole pour célébrer en ce jour le 100ème anniversaire de sa présence en tant que bijoutier dans l'Océan Indien. Immense cocktail, tenues de soirée ultra classe exigée, le gratin et les plus grosses fortunes de l'île étaient de sortie. J'étais sur une autre planète et jamais je ne me suis sentie être autant un alien... Le directeur de la marque MontBlanc France, pour laquelle nous intervenions, nous avait donné ses directives : nous devions être belles et inaccessibles ! Soit... Sans trop de conviction, je tâcherai de m'en souvenir lorsque je m'élancerai sur le tapis rouge, couloir de la mort, vers le public au bout du podium...

J'étais perdue, insensible, désincarnée, mais heureusement fort bien entourée. Si bien qu'au moment de me jeter dans l'arène, j'étais sereine. C'est dingue comment des jours durant je peux me mettre minable en m'infligeant une pression insoutenable pour finalement percer le film aveuglant de l'angoisse et trouver un semblant de paix. Bien obligée, d'un côte... Il faut savoir mourir pour monter ainsi sur scène pour chanter, briser la peur du jugement pour se dévoiler et livrer sans fard ni masque ce qui se cache réellement en nous. Un instant de peur engendre un doute, qui amène l'hésitation, et là c'est foutu... Pas le choix donc... Il faut lâcher prise !

Et tout passe comme dans un rêve... Au réveil, je suis dans les bras de l'un ou de l'autre, je vois des yeux embués d'émotion, j'entends des bravo, et j'ai l'impression que rien ne s'est passé. l'avant, le pendant et l'après sont comme emmêlés. Juste une petite voix dans la tête qui me dit que c'est enfin les vacances... et que je peux me détendre avant de me remettre au travail, car rien n'est terminé, tout le chemin reste à parcourir.

C'était une expérience grisante et hors du commun. Et j'en suis ressortie, m'étant défendue honorablement. Du coup, je m'offre un week end pour moi à me retrouver. J'essaye de faire un point sur tout ce qui s'est passé ce dernier mois, mais tout est si flou... J'ai besoin de lever le pied, cependant, j'ai peur de l'ennui qui va suivre après tant de stimulations et sollicitations (^_^; Comme quoi, jamais satisfaite, la nana !!

Ah tiens, autre anecdote amusante : Patrick Poivre d'Arvor était invité d'honneur de la soirée du 11 novembre, et il a ouvert la soirée par la lecture d'un de ses poêmes... Il est venu féliciter Nath après notre prestation, se disant agréablement surpris de trouver de telles voix sur l'île de la Réunion ! Avoir réussi à toucher un gars comme ça habitué certainement aux meilleurs, c'est pas trop mal... non ?