Tout a commencé là où tout aurait dû finir

"C'est au moment du malheur qu'on s'habitue à la vérité, c'est-à-dire au silence
Albert Camus, La Peste

Tout a commencé là où tout aurait dû finir : le 18 décembre, plus précisément. J'attendais cette date avec impatience. Le 18 décembre, Je devais recevoir un peu d'oxygène après plusieurs semaines et mois professionnellement chargés et personnellement intenses. Je me voyais déjà préparer tranquillement les fêtes et présenter des adieux discret et courtois à 2013. Une année que je laisse partir sans trop de regret, qui fut plus une transition qu'un accomplissement.

Au final, à partir du 18 décembre, tout a foutu le camp, seulement ce ne fut pas dans le sens attendu. Depuis le 18 décembre, je suis en plein cyclone. In and out.

Suite à l'annonce, ça commence par un grand calme, une attente qui n'en finit pas. A se demander ce qui se trame, à douter de la venue effective du cataclysme. Doucement, le vent se lève. La prise de conscience. Puis vient la pluie et les pleurs. Soudain, des bourasques montrueuses emportant tout sur leur passage. Le vent hurle, se déchaine, sans trop de logique. Elements et émotions sont sans dessus dessous, ils expriment colère, douleur, peine, peur. Tout n'est que réaction et il n'est possible que d'assister, impuissant, à ce déchaînement. Un cyclone, ça arrache, ça balance, ça laisse le paysage griffé de cicatrices. Incontrôlable, il vous renverse et aucun "pourquoi ?" n'est pertinent. L'effet importe plus que la cause.

Toutefois, un cyclone, ça nettoie, ça réveille les liens, ça rassemble. Dedans, comme dehors. L'eau lave et emporte les pollutions ancrées dans le coeur des ravines. Le vent chasse de l'air tout poison pour le purifier. Au travers de la houle, l'océan brasse et se renouvelle. Et devant le déluge, intérieur ou extérieur, les gens, isolés, qui se retrouvent alors face à eux même, se tournent à nouveau les uns vers les autres, se rappelant subitement qui ils sont. C'est le temps des retrouvailles, du réancrage, un temps de partage autour d'une table garnie, sur laquelle chacun a apporté un peu de lui même. Un moment où les angoisses sont pansées et où seul le présent est pensé. Demain, ce demain où il faudra trouver des solutions pour reconstruire, où la communauté sera confrontée à des choix difficiles, ce demain n'a ici pas de place.

Depuis le 18 décembre, je suis ainsi en plein cyclone, qu'il soit en moi ou autour. Toute routine cassée, je vais et viens, essayant vainement de rassembler ce qui peut encore l'être. Lorsque la tempête est passée, ses dégâts demeurent à réparer. Un nouvel équilibre doit de ce fait être établi...


... Et moi, dans tout ça... ?

Pendant ce temps, à Bamako...

Et si je me cache dans le tulle, peut être pourrais je m'incruster à la fête...
Le samedi à la Possession, c'est le jour de mariage... Mais pas de n'importe lequel en ce samedi 17 août 2013 ! Car c'est ce jour qu'ont choisi Armelle et David pour sceller leur union, qui fut des plus joyeuses et colorées.
Le faire part annonçait le ton décontracté de la journée : nous étions ainsi priés de nous plier au dress code, tout le monde devant venir en tenues séga/maloya pour les femmes, et chemise à fleurs/pantalon blanc pour les hommes. Ca nous allait plutôt bien, enfin, surtout à PA, qui redoutait de passer la journée en pingouin étranglé par une cravate... Nous sommes allés nous habiller au  marché malgache (peu banal pour un mariage !) et avons pris la liberté d'ajouter des chapeaux à nos tenues pour encore plus d'originalité. Je me suis amusée à décorer le mien de fleurs et de rubans, et, au final, nous avions un peu le sentiment d'être déguisés tout en nous trouvant trop beau dans nos tenues rouges assorties (^_^) !



Le samedi matin, j'étais énervée comme une puce... Je ne voulais tellement pas être en retard que nous étions les premiers sur le parking désert de la Mairie, à ce demander du coup si nous ne nous étions pas trompés de jour, PA me maudissant en sourdine. Toutefois, je faisais comme si de rien n'était et que tout était parfaitement sous contrôle en m'affairant à décorer ma petite 206 qui se devait aussi d'être dans le ton de la fête !


Ce qui est pratique avec un dress code, c'est qu'il est facile de repérer les invités du mariage. La tribu du séga s'est peu à peu réunie et la foule colorée grandissait au fur et à mesure. Le marié fut l'un des premiers à arriver en compagnie du père de la mariée. Il avait l'air trop détendu pour être crédible : cependant, nous ne sommes pas parvenus à ébranler sa sérénité !


L'idée des tenues colorées à fleur était géniale : l'assemblée était belle et joyeuse, tous étaient harmonieux et nous nous admirions en attendant la reine de la journée.

La mariée est arrivée dans une voiture digne d'un dirigeant de l'OPEP, un gros tout terrain aux vitres fumées ;) Il valait peut être mieux car c'est émue aux larmes qu'elle en est finalement sortie pour commencer la tournée des bises et félicitations. Elle était magnifique dans une robe à corset vert, de couleur assortie aux tenues que portaient ses parents, un bouquet d'orchidée à la main, symbole d'un amour fervent et fécond...



La cérémonie à la Mairie fut émouvante. Un ami des mariés était porteur de l'écharpe tricolore et leur fit un beau discours emprunt d'humour. La soeur de la mariée demeurée en métropole put tout suivre par un téléphone posé sur la table devant elle, et nous pensions alors à tous ceux qui n'avaient pas pu être de la fête en raison de la distance. Chacun a versé sa larme, ils se sont dit oui, tous ont entendu et ont vu les alliances fièrement portées aux mains des nouveaux époux.



Et nous voilà partis en cortège motorisé clignotant sur la nationale en direction des hauts de Saint Paul pour passer la soirée ! Mon klaxon n'a jamais autant fonctionné, et j'ai même cru qu'il allait rendre l'âme sous les élans musicaux de mon homme ! Avant d'entamer la montée vers la route des Tamarins, nous avons croisé sur le bas côté du viaduc le bouquet de la voiture des mariés : personne n'avait réussi à l'attraper celui là ! Plusieurs jours durant, il est demeuré là, souvenir du mariage, et je l'ai recroisé plusieurs fois la semaine suivante sur la route qui me menait au travail...


 Arrivée à Villèle au Golf Bassin Bleu, nous passâmes le temps avant l'arrivée des mariés par de nouvelles séances photos, avec la vue qui s'étendait sur l'océan indien...


  


Certes, au bout d'un moment, ça dégénère forcément...

Cependant, nous commencions à trouver le temps un peu long : mais où diable étaient passés les mariés ? Leur voiture ouvrait pourtant le cortège... Ou bien ? Ma tante laissa paraître en aparté discret un sous entendu au sujet d'une arrivée en hélicoptère, que je pris pour un trait d'humour. Toutefois,à peine eus je terminé de pouffer que j'aperçus au loin...



L'appareil tourna autour du site, puis se positionna face à la foule médusée des invités. Dans un nuage de terre et d'herbe coupée qui se déploya comme un drap secoué au vent, il se posa doucement et la porte s'ouvrit sans que les pales ne s'arrêtent de tourner : les mariés en bondirent sous les applaudissements et les vivas puis l'engin s'envola à nouveau, nous laissant ébouriffés et des bouts d'herbes probablement entre les dents découvertes d'un sourire enchanté. Pour une surprise, ils avaient réussi leur effet !

 
L'apéritif fut servi et chacun tour à tour partait prendre des photos souvenirs au soleil tombant en compagnie des mariés.






Mon tonton sous la chaude lumière du soleil couchant

Démonstration endiablée de séga

 



A la tombée de la nuit, le repas commença. Les tables étaient distribuées par nom de sites remarquables réunionnais, dont l'histoire était contée au sein du menu. Un menu métissé à l'image des époux, la rencontre de La Réunion et du Sud Ouest de la France, emplie de soleil et d'accents chaleureux.

Armelle m'avait demandé d'animer un jeu bien particulier, celui des 12 mois, bien symbolique pour elle car elle l'avait elle même gagné lors du mariage de mon frère, au prix d'une lutte acharnée et sans merci. Avec PA, nous y avions minutieusement travaillé dessus, et nous devions le lancer  "entre la viande et le poisson". Cependant, nous ne nous attendions certainement pas à ce que tous, participants comme spectateurs, se prennent au jeu à ce point ! Un moment de folie durant lequel j'ai vu voler des chaises, des objets, voire des convives, avec le soutien du DJ qui nous trouvait toujours des morceaux de choix pour combler les moments d'attente. Le marié a même failli prendre une douche alors que les participants devaient ramener un verre empli à ras bord après avoir trinqué avec lui : plus décidés que jamais à arriver avant les autres, tous ce sont rués sur lui avec des verres pleins, dans une fontaine d'eau jaillissante !

L'ouverture du bal fut également une surprise très réussie : les mariés ont été interrompu dans leur slow débuté classiquement par une sirène et un signal d'alerte : à l'arrivée en tenue de pompier du fils du marié, nous savions que ça n'allait pas continuer sur le même ton ! Toute une troupe s'est alors jointe aux mariés pour un medley chorégraphique endiablé, entre pulp fiction ou encore thriller. Puis d'un coup tout s'est arrêté, la scène s'est vidée et les mariés ont repris leur slow là où il avait été interrompu, comme si de rien n'était.

Et ce n'était pas fini, car est arrivé... LE dessert des mariés ! Combiné en plus aux gâteaux d'anniversaire du père de la marié et du témoin du marié, cela a fait une montagne de gâteaux, brochettes de fruits, le tout avec LA fontaine de chocolat ! Et le repas précédant le tout était loin d'être frugal... Suite à ça, nous n'allons plus manger pendant trois semaines au moins ;)


Puis tous sont repartis, des dragées en poches et de beaux souvenirs colorés plein les yeux. Ce fut un beau mariage, rempli d'amour, dont je reviens avec un nouveau cousin (^_^) ! Nous leur souhaitons tout le bonheur du monde !
 Moi m'en fiche, j'suis resté peinard au calme !

Harem

“And those who were seen dancing were thought to be insane by those who could not hear the music.” 

~ Friedrich Nietzsche ~



Depuis le temps que je devais écrire à propos de cette aventure chorégraphique !! C'est pourtant en juillet 2011 que tout a débuté, dans une longue préparation, pour finir en feu d'artifice en octobre dernier. Plus d'un an de répétition, de confection de costumes, d'entrainement physique, et ça en a valu la peine ! C'est ainsi l'histoire d'un rêve devenu réalité, un rêve commun que nous a fait vivre notre professeur de danse, qui a réussi à nous propulser sur la scène du grand théâtre de Saint Denis pour une soirée magique et féerique...


Je disais donc que tout avait commencé à mon souvenir lors du stage chorégraphique de flamenco oriental mi 2011. A ce moment, Sultana, notre professeur, nous a présenté son projet de spectacle, une fresque historique dansée inspirée de l’histoire de Roxelane, sultane de l’empire ottoman au XVIeme siècle, femme de Soliman le Magnifique.


Le projet était lointain, et nous répétions studieusement les différentes chorégraphies semaines après semaines. Par moment, s'en était un brin fastidieux, car a force d'acharnement, nous en perdions le sens. Mais c'était sans compter sur la motivation de Sultana qui nous donnait la force et l'envie de nous surpasser.

Le projet évoluait au fur et à mesure de notre avancée. Au final, ce seront plus d'une dizaine de tableaux qui se succéderont sur scène, tous différents avec chacun un style de danse particulier. Ils retracaient l'arrivée des esclaves au harem, l'entrée des petites filles au sérail, leur présentation au Sultan une fois leur formation achevée, puis les luttes de pouvoir entre les favorites pour accéder au rang d'épouse. Toutes les élèves de l'école de danse participaient, enfants, adolescentes et adultes, soit une soixantaine de danseuses, auxquelles s'ajoutaient les danseuses confirmées de la compagnie de Sultana, les solistes qui tenaient les rôles principaux de la trame du scénario. Et nous avions également notre Soliman le Magnifique ! Le pauvre Didier devait par moment se sentir bien seul au milieu de toutes ces femmes, mais il a définitivement assuré comme un Sultan ;) !

Je ne saurais ainsi compter les heures de travail, entre les cours hebdomadaires et les longues répétitions du week end. La nuit des séances qui se terminaient tard pour peaufiner un passage. Le froid de la grande salle municipale de Bras Panon, dont le carrelage venait glacer la plante des pieds nus. L'attente interminable de nos proches, qui au final ne se demandaient plus à quelle heure nous allions terminer. Les maux de dos et de genoux après avoir trop forcé... et les regards inquiets, qui se croisaient en se demandant si nous allions vraiment y arriver.



 Plus la date approchait, plus le stress était palpable, et la concentration en devenait presque paralysante.


Nous nous serrions donc les coudes au sein du groupe, et tachions malgré tout de garder le sourire et le sens de l'humour en toutes circonstances !




Les musiques et les comptes me trottaient en tête du matin au soir, et je m'endormais même la nuit en me remémorant inlassablement les chorégraphies, ce qui n'est pas franchement plus efficace que le traditionnel décompte de moutons ! Il y avait des jours où je n'en pouvait vraiment plus !!


Et puis, la danse, c'est une chose, mais encore fallait il se préparer à briller sur scène, à être les princesses d'une soirée ! Pour cela, encore une fois, il a fallu bien du travail et ce fut un nouvel apprentissage qui débuta : celui du maquillage... Pour ma part, je partais de loin...


Heureusement, Marie-Line, notre danseuse chef maquilleuse, nous a briefées et enseignées ! Ainsi ai je pu apprendre l'usage des ombres à paupière, la différence entre le pinceau boule et le pinceau biseauté, la bonne utilisation du khôl, le maniement du blush, la technique secrète du crayon à lèvres, bref, tant et tant de choses jusqu'alors mystérieuses pour moi (^_^; ! Le résultat fut surprenant d'éclat et de paillettes !




Ma plus grande joie était par la suite de me jeter sur ma pauvre victime, qui me demandait toujours, à peine rentrée à la maison, d'ôter le rouge à lèvre qui n'était guère de son goût... Et bien c'était chose faite !


Chorégraphie apprises et maquillage dompté, manquait il encore une pièce au puzzle : les costumes !


Chaque tableau ayant un thème, une couleur, il fallait adapter chaque tenue. Par ailleurs, comme le costume, c'est la base pour être élégante et se sentir vraiment étoile au sein de la voie lactée, et nous étions toutes plus que décidées à "casser l'armoire" !


C'est ainsi que j'ai repris la couture, pour confectionner certains de mes atours. Tenue de flamenco oriental, tenue de bellywood, tenue tribale, tenue de sharki, tenue de chaabi, il fallait de l'organisation pour ne rien oublier...



Le grand jour arriva, et nous nous sommes enfin retrouvées propulsées au Teat Champ Fleuri.


Nous étions réparties dans plusieurs loges, notamment en fonction de nos différents passages sur scène qui nécessitaient des changements plus ou moins rapides de costume. J'avais pour ma part un certains nombre de passages : 4 en première partie et 5 en deuxième, avec un total de huit costumes différents !



Nous exécutions alors minutieusement tous les gestes longuement appris et répétés en vue de cet ultime moment. Chaque détail avait son importance et rien ne devait manquer au costume pour parvenir à recréer les personnages que nous nous étions rêvés durant de longs mois.



Tableau d'ouverture : l'arrivée des esclaves au Palais du Sultan




Tableau de la soirée festive au Palais : Bellywood !




La scène nous appartenait et nous pouvions tenter de l'apprivoiser avant l'arrivée des spectateurs. Dernier repérage avant le début du show, en pleine liberté pour relâcher la pression devant cette salle vide qui serait comble dans quelques heures.



Mon cœur battait d'excitation au moment de s'élancer en tête de la première chorégraphie, j'étais enivrée et les pas vers le devant de la scène furent libérateurs. Nous ne dansions pas, nous volions vers notre accomplissement, portées les unes par les autres.

Bienvenue au harem !






J'avoue que mon moment préféré fut le fameux tableau flamenco oriental, celui par lequel tout a commencé, celui que nous avons le plus répété et qui nous a donné jusqu'au dernier instant tant de mal. Notre groupe était tellement soudé autour de cette chorégraphie, que, de rouge et noir, nous y avons déchaîné toute notre passion.






Les tableaux s'enchaînaient, le public était très réceptif et participait activement, nous soutenant tout du long. Les peines et les larmes des répétitions se dissipèrent entièrement et nous goûtions pleinement à la magie de l'instant présent.







... Et le final arriva tellement vite...



Tant de préparation pour que tout finisse si vite... Nous n'allions jamais plus redanser ce spectacle. Cela contribue à rendre ce moment éphémère d'autant plus précieux. Suite à cette soirée, nous avons plané pendant un certain temps, ne sachant plus trop si nous l'avions rêvé ou si cela s'était réellement passé. Les retours des spectateurs furent très bons et ces échos résonnent encore dans nos esprits. Surfant sur cette réussite, de nombreux projets fleurissent à nouveaux, et j'ai déjà hâte de me remettre  au travail...