Harem

“And those who were seen dancing were thought to be insane by those who could not hear the music.” 

~ Friedrich Nietzsche ~



Depuis le temps que je devais écrire à propos de cette aventure chorégraphique !! C'est pourtant en juillet 2011 que tout a débuté, dans une longue préparation, pour finir en feu d'artifice en octobre dernier. Plus d'un an de répétition, de confection de costumes, d'entrainement physique, et ça en a valu la peine ! C'est ainsi l'histoire d'un rêve devenu réalité, un rêve commun que nous a fait vivre notre professeur de danse, qui a réussi à nous propulser sur la scène du grand théâtre de Saint Denis pour une soirée magique et féerique...


Je disais donc que tout avait commencé à mon souvenir lors du stage chorégraphique de flamenco oriental mi 2011. A ce moment, Sultana, notre professeur, nous a présenté son projet de spectacle, une fresque historique dansée inspirée de l’histoire de Roxelane, sultane de l’empire ottoman au XVIeme siècle, femme de Soliman le Magnifique.


Le projet était lointain, et nous répétions studieusement les différentes chorégraphies semaines après semaines. Par moment, s'en était un brin fastidieux, car a force d'acharnement, nous en perdions le sens. Mais c'était sans compter sur la motivation de Sultana qui nous donnait la force et l'envie de nous surpasser.

Le projet évoluait au fur et à mesure de notre avancée. Au final, ce seront plus d'une dizaine de tableaux qui se succéderont sur scène, tous différents avec chacun un style de danse particulier. Ils retracaient l'arrivée des esclaves au harem, l'entrée des petites filles au sérail, leur présentation au Sultan une fois leur formation achevée, puis les luttes de pouvoir entre les favorites pour accéder au rang d'épouse. Toutes les élèves de l'école de danse participaient, enfants, adolescentes et adultes, soit une soixantaine de danseuses, auxquelles s'ajoutaient les danseuses confirmées de la compagnie de Sultana, les solistes qui tenaient les rôles principaux de la trame du scénario. Et nous avions également notre Soliman le Magnifique ! Le pauvre Didier devait par moment se sentir bien seul au milieu de toutes ces femmes, mais il a définitivement assuré comme un Sultan ;) !

Je ne saurais ainsi compter les heures de travail, entre les cours hebdomadaires et les longues répétitions du week end. La nuit des séances qui se terminaient tard pour peaufiner un passage. Le froid de la grande salle municipale de Bras Panon, dont le carrelage venait glacer la plante des pieds nus. L'attente interminable de nos proches, qui au final ne se demandaient plus à quelle heure nous allions terminer. Les maux de dos et de genoux après avoir trop forcé... et les regards inquiets, qui se croisaient en se demandant si nous allions vraiment y arriver.



 Plus la date approchait, plus le stress était palpable, et la concentration en devenait presque paralysante.


Nous nous serrions donc les coudes au sein du groupe, et tachions malgré tout de garder le sourire et le sens de l'humour en toutes circonstances !




Les musiques et les comptes me trottaient en tête du matin au soir, et je m'endormais même la nuit en me remémorant inlassablement les chorégraphies, ce qui n'est pas franchement plus efficace que le traditionnel décompte de moutons ! Il y avait des jours où je n'en pouvait vraiment plus !!


Et puis, la danse, c'est une chose, mais encore fallait il se préparer à briller sur scène, à être les princesses d'une soirée ! Pour cela, encore une fois, il a fallu bien du travail et ce fut un nouvel apprentissage qui débuta : celui du maquillage... Pour ma part, je partais de loin...


Heureusement, Marie-Line, notre danseuse chef maquilleuse, nous a briefées et enseignées ! Ainsi ai je pu apprendre l'usage des ombres à paupière, la différence entre le pinceau boule et le pinceau biseauté, la bonne utilisation du khôl, le maniement du blush, la technique secrète du crayon à lèvres, bref, tant et tant de choses jusqu'alors mystérieuses pour moi (^_^; ! Le résultat fut surprenant d'éclat et de paillettes !




Ma plus grande joie était par la suite de me jeter sur ma pauvre victime, qui me demandait toujours, à peine rentrée à la maison, d'ôter le rouge à lèvre qui n'était guère de son goût... Et bien c'était chose faite !


Chorégraphie apprises et maquillage dompté, manquait il encore une pièce au puzzle : les costumes !


Chaque tableau ayant un thème, une couleur, il fallait adapter chaque tenue. Par ailleurs, comme le costume, c'est la base pour être élégante et se sentir vraiment étoile au sein de la voie lactée, et nous étions toutes plus que décidées à "casser l'armoire" !


C'est ainsi que j'ai repris la couture, pour confectionner certains de mes atours. Tenue de flamenco oriental, tenue de bellywood, tenue tribale, tenue de sharki, tenue de chaabi, il fallait de l'organisation pour ne rien oublier...



Le grand jour arriva, et nous nous sommes enfin retrouvées propulsées au Teat Champ Fleuri.


Nous étions réparties dans plusieurs loges, notamment en fonction de nos différents passages sur scène qui nécessitaient des changements plus ou moins rapides de costume. J'avais pour ma part un certains nombre de passages : 4 en première partie et 5 en deuxième, avec un total de huit costumes différents !



Nous exécutions alors minutieusement tous les gestes longuement appris et répétés en vue de cet ultime moment. Chaque détail avait son importance et rien ne devait manquer au costume pour parvenir à recréer les personnages que nous nous étions rêvés durant de longs mois.



Tableau d'ouverture : l'arrivée des esclaves au Palais du Sultan




Tableau de la soirée festive au Palais : Bellywood !




La scène nous appartenait et nous pouvions tenter de l'apprivoiser avant l'arrivée des spectateurs. Dernier repérage avant le début du show, en pleine liberté pour relâcher la pression devant cette salle vide qui serait comble dans quelques heures.



Mon cœur battait d'excitation au moment de s'élancer en tête de la première chorégraphie, j'étais enivrée et les pas vers le devant de la scène furent libérateurs. Nous ne dansions pas, nous volions vers notre accomplissement, portées les unes par les autres.

Bienvenue au harem !






J'avoue que mon moment préféré fut le fameux tableau flamenco oriental, celui par lequel tout a commencé, celui que nous avons le plus répété et qui nous a donné jusqu'au dernier instant tant de mal. Notre groupe était tellement soudé autour de cette chorégraphie, que, de rouge et noir, nous y avons déchaîné toute notre passion.






Les tableaux s'enchaînaient, le public était très réceptif et participait activement, nous soutenant tout du long. Les peines et les larmes des répétitions se dissipèrent entièrement et nous goûtions pleinement à la magie de l'instant présent.







... Et le final arriva tellement vite...



Tant de préparation pour que tout finisse si vite... Nous n'allions jamais plus redanser ce spectacle. Cela contribue à rendre ce moment éphémère d'autant plus précieux. Suite à cette soirée, nous avons plané pendant un certain temps, ne sachant plus trop si nous l'avions rêvé ou si cela s'était réellement passé. Les retours des spectateurs furent très bons et ces échos résonnent encore dans nos esprits. Surfant sur cette réussite, de nombreux projets fleurissent à nouveaux, et j'ai déjà hâte de me remettre  au travail...